Investir en temps de crise : adopter une stratégie offensive ou défensive?

Sudharshan Sathiyamoorthy, Ph. D., MBA, est vice-président du Bureau familial Richter (BFR), dont il préside le comité des placements. M. Sathiyamoorthy dirige les activités de contrôle diligent des gestionnaires externes et évalue les stratégies de placement traditionnelles et non traditionnelles avant leur présentation aux familles avec lesquelles travaille le BFR. Il a acquis une vaste expérience qui lui permet de trouver des occasions uniques et de veiller à ce qu’elles fassent l’objet d’un examen minutieux. Il a donc l’habitude d’évaluer une gamme complète de stratégies en tenant toujours compte du contexte global, peu importe l’environnement économique. Il nous fait part de son point de vue en ce qui concerne les placements dans le contexte actuel.

 

Pour essayer de comprendre les événements présents, il est tout naturel de chercher à trouver des événements similaires qui sont survenus dans le passé.

Lorsque l’on pense à l’histoire récente, on associe automatiquement le terme « crise économique » à l’année 2008. La crise de 2008-2009 était cependant bien différente de la crise actuelle. Tandis que la première prenait racine dans le secteur des services financiers et découlait du surendettement des banques et des autres intervenants du marché ainsi que de prêts hypothécaires que les propriétaires n’avaient pas les moyens de se permettre, la pandémie actuelle constitue une crise sanitaire et humaine ayant entraîné à la fois une perturbation de la demande (les consommateurs, confinés, ne dépensent pas) et une perturbation de l’offre (la mise à l’arrêt des entreprises bouleverse les chaînes d’approvisionnement). Ainsi, malgré toute ressemblance apparente, la stricte vérité est que « cette fois-ci, c’est différent ».

Bien que certains pays assouplissent leurs mesures de confinement, personne ne peut prédire l’évolution des choses : il y a beaucoup d’inconnues et, pour le moment, nous avons plus de questions que de réponses. Sur le plan psychologique, quelle incidence les mesures prolongées de distanciation sociale auront-elles sur la société? Une fois qu’un vaccin aura été découvert, combien de temps faudra-t-il avant que celui-ci soit offert à grande échelle? Le redémarrage graduel des économies de la plupart des pays entraînera-t-il une deuxième vague de cas? Le nombre de personnes en télétravail augmentera-t-il? Les gens seront-ils plus portés à prendre la voiture qu’à utiliser les transports en commun? Quelles seront les autres mesures prises par les gouvernements et les banques centrales? Étant donné le grand nombre d’inconnues et l’absence d’un horizon clair pour la résolution de la crise, il va de soi que la peur et la panique sont susceptibles de s’installer, non seulement dans la vie quotidienne, mais aussi sur le plan des marchés et des placements.

Lorsqu’il y a de la panique dans l’air, est-il préférable de liquider tous ses placements et de conserver le tout en trésorerie?

En termes philosophiques, « on n’a rien pour rien ». Il faut prendre des risques pour générer des rendements. Instinctivement, l’humain tend à éviter les situations douloureuses. Cependant, pour reprendre les paroles du légendaire investisseur Warren Buffett : « Soyez craintif quand les autres sont avides. Soyez avide quand les autres sont craintifs. » Les bouleversements des marchés surviennent souvent lors de crises ou d’autres événements perturbateurs. Un investisseur prêt à tirer profit des occasions offertes au cours de ces périodes peut être grandement récompensé.

La propriétaire d'une entreprise dans son studio qui fait des recherches sur son ordinateurs

Faut-il donc adopter une approche défensive ou offensive?

La réponse courte est : les deux. Parlons d’abord de l’aspect défensif. Si les actions ou les secteurs cycliques ayant fait l’objet d’une liquidation plus tôt cette année avaient représenté une trop grande portion d’un portefeuille, il aurait été très difficile d’en atténuer l’incidence négative sur le portefeuille au cours du ralentissement économique, Le problème est le suivant : une liquidation sur le marché se traduit par une augmentation de la volatilité, ce qui entraîne la disparition des liquidités. En d’autres mots, il devient très cher d’acheter une protection pour son portefeuille et la vente de placements sera exécutée à des prix défavorables en raison de l’absence ou du très faible nombre d’acheteurs.

L’assise défensive d’un portefeuille doit donc être en place avant qu’une crise ne survienne. Pour ce faire, il est possible d’obtenir de l’aide d’un professionnel du BFR. Nous travaillons avec des familles bien nanties et cherchons à comprendre les difficultés, les besoins et les aspirations qui leur sont propres. En tenant compte de ces facteurs et de leurs besoins en matière de liquidités, nous constituons un portefeuille sur mesure pour chaque famille. Non seulement les portefeuilles sont diversifiés en ce qui concerne les catégories d’actifs, mais ils comprennent aussi des composantes axées sur la croissance, le revenu et les caractéristiques défensives. Par exemple, nous avons récemment présenté à nos clients une occasion d’un gestionnaire de prêts directs à la tranche inférieure des moyennes entreprises aux États-Unis. Au cours des derniers mois, ce placement a bien tenu le coup grâce à la priorité qu’accorde le gestionnaire aux entreprises peu endettées, bien gérées et exerçant leurs activités depuis longtemps, ainsi qu’aux secteurs qui résistent aux récessions, comme les soins de santé et les services aux entreprises.

En cas de panique sur les marchés, il est essentiel de pouvoir compter sur un processus déjà établi qui permet de maintenir la discipline et d’adopter une approche méthodique, calme et réfléchie afin d’aller de l’avant. Lors du repli, notre équipe a communiqué avec les différents gestionnaires auprès desquels nos clients détiennent des placements, de manière à mieux comprendre l’incidence du ralentissement sur les portefeuilles. En plus de soumettre les gestionnaires à un processus de contrôle diligent rigoureux avant de leur confier des capitaux, nous effectuons une surveillance continue, en particulier en période de crise, qui nous fournit des renseignements supplémentaires sur la capacité des gestionnaires à agir à titre de fiduciaires prudents pour nos clients. Ces renseignements nourrissent à leur tour notre réflexion, en plus d’avoir une incidence sur notre niveau de confiance envers les gestionnaires.

Maintenant que nous avons examiné l’aspect défensif, que diriez-vous de passer à l’offensive?

Au BFR, nous pouvons faire appel à certains des gestionnaires d’actifs les plus importants et des investisseurs les plus respectés au monde. Afin de mieux comprendre l’incidence de la crise au fil de son évolution, nous avons eu recours à notre réseau mondial, qui comprend non seulement des fonds spéculatifs, des fonds de capital-risque, ainsi que des gestionnaires de capital-investissement et de crédit privé, mais aussi des services de recherche de maisons de courtage de valeurs, des pairs investisseurs et d’autres intervenants du marché. Nous avons appris que le bassin d’occasions a changé et continue de le faire. Au départ, certaines de ces occasions étaient fugaces. Par exemple, les marchés boursiers ont maintenant regagné une grande partie du terrain perdu lors de la vente sous l’effet de la panique. De plus, les écarts de taux des titres de première qualité, qui s’étaient élargis de manière à atteindre des niveaux correspondant à ceux de titres à rendement élevé, se sont resserrés lors de l’annonce de mesures interventionnistes par la Réserve fédérale américaine et d’autres banques centrales. Cependant, il existe toujours un grand nombre d’occasions, en particulier sur les marchés du crédit. L’occasion initiale a été entraînée par des investisseurs en détresse : en raison d’un besoin soudain de liquidités, tout ce qui pouvait être vendu l’a été. Les liquidations massives ont donc été effectuées sans discernement. Tandis que de telles occasions se font maintenant plus rares, l’attention se tourne plutôt vers les actifs en difficulté (des sociétés qui pourraient ne pas avoir assez de liquidités dans leur bilan pour surmonter la crise, par exemple). Au cours des prochains mois, à mesure que le nombre de défaillances et de faillites augmentera, l’attention passera des actifs en difficulté aux actifs en détresse. À mesure que nous ressortirons de la crise, le bassin d’occasions prendra encore une fois un nouvel aspect : il s’agira de trouver des moyens pour aider les entreprises à reprendre leurs activités, à redémarrer leurs chaînes d’approvisionnement et à redevenir rentables. Au BFR, nous collaborons activement avec des gestionnaires qui peuvent tirer profit des occasions actuelles et futures qui découlent de cette crise.

C’est encourageant! Avez-vous d’autres commentaires pour conclure?

Du point de vue des placements, on peut considérer la situation actuelle comme un « nid de poule » causé par des facteurs externes. Au BFR, nous restons aux côtés des familles dans les meilleurs moments comme dans les pires. Nous nous efforçons de bâtir des portefeuilles viables présentant des caractéristiques de rendement durables et renouvelables. Grâce à la surveillance continue que nous exerçons, nous veillons à trouver de meilleures solutions lorsque certains gestionnaires ne sont plus en mesure de remplir leur fonction à l’égard des portefeuilles diversifiés de nos familles. Plus important encore, nous nous concentrons sur les mois et les années à venir plutôt que sur les prochains jours et les prochaines semaines. En tant qu’humains, nous sommes dotés d’une incroyable force de résilience et de persévérance. Je suis convaincu qu’avec le temps, cela finira aussi par passer.