L’innovation numérique, au coeur de la stratégie d’affaires

Les gourous de l’innovation l’ont répété à l’envi : ne pas innover, c’est ouvrir la porte à la stagnation, voire à l’échec. Loin de moi le désir d’enfoncer le clou (peut-être juste un peu), mais l’histoire récente démontre que la résistance à l’innovation, ou même la retenue dans l’innovation, mènent à une perte de compétitivité. Kodak en constitue l’exemple parfait. La décision d’améliorer le modèle argentique au lieu d’accueillir le numérique a contribué à sonner le glas de la marque. Mais connaissons-nous vraiment l’incidence des pratiques innovantes sur la stratégie d’affaires? Plus loin encore, une question existentielle s’impose : l’innovation est-elle le coeur de la stratégie d’affaires ou, a contrario, la stratégie d’affaires représente-t-elle plutôt le moteur de l’innovation? Je vous propose ici de faire le point sur le sujet et de départir le bon grain de l’ivraie.
<h2style= »font-size: 24px; »>Cadre de transformation vers l’entreprise numérique : pour une radicalisation de l’innovation

Que penser de l’abondante littérature de gestion proclamant l’avènement de l’innovation en tant que panacée aux maux organisationnels? D’abord, toutes les voies vers l’innovation ne se valent pas : il ne faut pas attendre de miracles de l’innovation progressive, proche parente de l’amélioration continue. C’est dans l’innovation de type révolutionnaire ou radicale que se cachent les résultats optimaux. Et c’est grâce à celles-ci qu’est possible l’atteinte de l’excellence technologique et opérationnelle. Ces deux pôles constituent à la fois une résultante de l’innovation et de la transformation organisationnelles, mais également un prérequis pour étayer les deux objectifs clés d’une entreprise numérique qui se différencie, à savoir :

  1. Améliorer l’expérience client, au moyen, par exemple, d’un dossier client centralisé qui assure une vue complète de l’historique et des caractéristiques de chaque client et qui suggère les prochaines mesures ou recommandations relatives aux produits ou services;
  2. Améliorer l’efficacité et l’engagement des employés et des partenaires. En effet, les entreprises modernes ne fonctionnent plus en autarcie. Elles doivent se différencier par la mise en commun des ressources et du savoir-faire. Enfin, la démonstration de la valeur de l’engagement des employés n’est plus à faire.

Comme tous les problèmes n’appellent pas une même solution, ce dont nombre de fournisseurs de technologies de l’information tenteront malheureusement de vous convaincre, le développement d’un cadre adaptable aux différents secteurs, produits, cibles et processus inhérents à votre entreprise m’apparaît fondamental. Afin de combler cette carence, je propose le cadre théorique (mais aussi très pratique) suivant, basé sur mon expérience, mes interactions avec mes clients ainsi que sur mes apprentissages en gestion de l’innovation.

Cadre de transformation vers l’entreprise numérique

prérequis; pôles d'excellence; objectifs d'affaires; TI et opérations

Capacité d’innovation et capacité de transformation des entreprises, deux prérequis indissociables

Seulement 71 entreprises du classement Fortune 500 de 1955 existent encore. Pourquoi? La réponse à cette question repose, à mon avis, sur deux éléments fondamentaux : la capacité d’innover d’une entreprise et son habileté à se transformer en tirant profit de cette innovation. On entend par capacité de transformation l’agilité organisationnelle et le courage d’investir dans des pratiques favorisant l’innovation (les outils, les méthodes et le climat organisationnel fertile à l’innovation seront abordés plus en détail lors d’un prochain article). Or, cette capacité de transformation ne vient pas seule : pour atteindre cet optimum, un encadrement par divers mécanismes de gouvernance transcendant les silos de l’entreprise est requis. Ce qu’on veut atteindre tient plus d’une gestion holistique de l’innovation que de l’implantation de parcelles d’innovation ici et là – encore une fois, je m’élève contre l’innovation progressive, souvent nécessaire, mais certainement insuffisante.

La capacité d’innovation, quant à elle, désigne l’aptitude que possède une organisation de mettre en place tous les éléments favorables au développement de l’innovation : vigie du marché, ouverture aux clients, délai de lancement (time-to-market), développement de produits et de services proposés à des tarifs optimaux. Aujourd’hui, les organisations peuvent toutes acquérir des moyens et des infrastructures équivalents (technologie, savoir-faire, service), et ce, à peu près au même prix, y compris pour des brevets – plus d’excuses, donc. C’est la combinaison de la capacité d’innovation et de la mise en oeuvre de ces ressources qui constitue la réelle valeur ajoutée d’une stratégie numérique d’entreprise, celle qui lui permettra de se différencier et donc de s’imposer en tant que chef de file. À l’instar de la méthode d’établissement de la stratégie d’entreprise qui se doit d’être adaptée et innovante, il importe que la méthode d’innovation et l’objectif poursuivi par cette dernière soient eux-mêmes novateurs afin de garantir le succès de toute stratégie de différenciation.

Il n’existe cependant pas de formule magique. Pour porter des fruits, il importe que ces tactiques se déroulent simultanément, en continu et qu’elles soient intimement liées – c’est un peu comme si votre commerce était ouvert pendant les rénovations. Et ne l’oubliez pas : l’innovation n’est pas garante en elle-même du succès d’une entreprise. Si cette dernière peut s’avérer nécessaire, voire cruciale, à la survie des entreprises (ne perdons pas de vue l’exemple de Kodak), encore faut-il savoir utiliser ce levier afin de transformer les pratiques ainsi que la stratégie d’affaires. Pour être optimales, stratégie et innovation doivent aller de pair.

Arrimer stratégie et innovation : premier pas vers l’excellence

Selon une étude de la Harvard Business School, 75 % des entreprises observées tendent à poursuivre les mêmes voies d’amélioration continue, avec de faibles bénéfices, au lieu de se lancer dans l’étude de nouveaux produits, services ou marchés. Les raisons de cet échec de l’innovation sont principalement liées à l’absence de processus d’innovation en continu, une obsession sur la gestion opérationnelle au quotidien au détriment des modèles d’affaires de demain, une compréhension limitée des besoins des clients, exprimés ou non, et enfin une absence de collaboration à la fois à l’interne et à l’externe. L’émergence (encouragée) de nouveaux modèles d’affaires témoigne de cet arrimage indispensable entre la stratégie de l’entreprise et l’innovation : partage d’actifs (voiture, outils, logement, etc.), partage de capacité de production, retour du troc, partage de risques (assurance, financement, etc.), collecte de fonds communautaire, il existe quantité de moyens d’utiliser l’innovation afin de transformer sa stratégie d’affaires.

Voici quelques conseils pour planifier et mettre en place dès aujourd’hui les modèles d’affaires de demain :

  • faire appel à toutes les lignes d’affaires dans le processus de planification stratégique;
  • incorporer l’innovation afin de stimuler le processus de planification stratégique;
  • collecter et analyser les données appropriées, par exemple au moyen d’un balisage, pour fournir les informations nécessaires à la planification stratégique;
  • mettre en place un cadre de gestion de la valeur pour mesurer les bénéfices de la nouvelle stratégie;
  • ne jamais sous-estimer l’équilibre requis entre la stratégie de transformation et la gestion opérationnelle.

Et si le plus grand risque n’était pas uniquement de passer à côté de la transformation numérique et de ne pas avoir le courage d’investir dans l’innovation et la modernisation? Si le piège était de ne pas harmoniser innovation et pratiques de gestion? De nos jours, la stratégie requiert elle-même une stratégie, tout comme l’innovation requiert de nouvelles approches innovantes. Restez à l’affût de mes prochains articles où je partagerai plus en détail comment mettre en place des stratégies d’affaires innovantes ainsi que des mécanismes de gouvernance permettant de soutenir celles-ci et comment mitiger les risques qui pourraient y être associés.