Dans les manchettes | Espace | Martin Gilbert | Élimination graduelle des restrictions aux RTI pour les grandes entreprises et autres

La plupart du temps, nos articles touchant la fiscalité traitent de sujets ou de nouveautés qui se traduisent soit par des coûts additionnels pour les propriétaires d’immeubles et/ou leurs locataires ou encore par de nouvelles obligations de conformité fiscale qui là encore se traduisent … par des coûts additionnels.

Il nous fait donc particulièrement plaisir dans cet article de vous communiquer une bonne nouvelle, soit une réduction du coût de la taxe de vente du Québec (TVQ) pouvant résulter cette fois-ci en économies substantielles pour les propriétaires, locataires ou gestionnaires d’immeubles.

Mise en contexte

C’est en 2012 que le gouvernement québécois a annoncé l’harmonisation des règles d’application de la TVQ avec celles de la taxe sur les produits et services (TPS) à la suite d’une entente d’harmonisation intervenue avec le gouvernement fédéral. Cette entente prévoyait entre autres l’élimination des restrictions aux remboursements de la taxes sur les intrants (RTI) pour les « grandes entreprises ».  C’est dans son budget de 2015, que le gouvernement du Québec a prévu l’élimination graduelle de cette restriction aux RTI pour les grandes entreprises. Cette élimination graduelle a débuté le 1er janvier 2018 et s’échelonnera jusqu’au 1er janvier 2021.

Aux fins de la TPS/TVQ, une « grande entreprise » est définie comme une entreprise dont la valeur totale annuelle des fournitures taxables au Canada excède 10 millions de dollars. Les revenus des fournitures taxables des personnes associées doivent également être inclus dans ce calcul. Cette analyse doit être effectuée pour chacun des exercices financiers.

Les items sur lesquels cette restriction s’applique sont les suivants :

  • Véhicules routiers de moins de 3 000 kilogrammes immatriculés au Québec et les biens et services relatifs qui sont acquis ou apportés dans les 12 mois suivant l’acquisition ou l’apport au Québec;
  • Carburant, outre le mazout, servant à alimenter les véhicules routiers de moins de 3 000 kg immatriculés au Québec;
  • L’électricité, le gaz, la vapeur et les combustibles, sauf exemption prévue dans la loi;
  • Services de téléphone et les autres services de télécommunication, sauf les services Internet et les numéros sans frais (i.e. numéros «1-800 » et « 1-888 »);
  • Nourriture, boissons et divertissements qui sont déductibles seulement à 50% en vertu de la Loi sur les impôts.

Dans le domaine immobilier, la restriction touchant l’électricité, le gaz, la vapeur et les combustibles s’avèrent fort pertinente.

L’élimination graduelle des restrictions

L’élimination graduelle à laquelle nous avons fait référence ci-dessus a fait en sorte que, depuis le 1er janvier 2018, le pourcentage de la restriction aux RTI est passé de 100% à 75%. Ainsi, les grandes entreprises peuvent, depuis cette date, réclamer 25% de la TVQ payée ou devenue payable à l’égard de biens ou services restreints.

Le 1er janvier 2019, ce pourcentage passera à 50%, puis à 75% le 1er janvier 2020. Dès le 1er janvier 2021, ce sera l’élimination totale de ces restrictions aux RTI pour les grandes entreprises. Celles-ci pourront donc, à compter de ce moment, réclamer 100% de la TVQ payée ou devenue payable sur ces items lorsque ceux-ci auront été acquis dans le cadre de leurs activités commerciales.

Toutefois, il y a lieu de noter que la restriction générale de 50% applicable aux frais de repas et divertissements continuera de s’appliquer dans toutes les provinces et ce, autant pour les contribuables qui se qualifient de grande entreprise que pour ceux qui ne se qualifient pas à ce titre.

Ontario

En 2010, le gouvernement de l’Ontario a annoncé l’harmonisation de sa taxe de vente provinciale avec la TPS fédérale devenant ainsi une province où la taxe de vente harmonisée (TVH) s’applique. Le taux actuel de la TVH dans cette province est 13% soit dont 5% de TPS et 8% de composante provinciale. L’Ontario a alors instauré des restrictions similaires aux restrictions aux RTI décrites ci-dessus; Ces restrictions s’appliquant seulement à la composante provinciale de la TVH (i.e. 8%).  L’Ontario s’était toutefois engagée à éliminer graduellement ces restrictions.  C’est ainsi que, à compter du 1er juillet 2015, le taux de récupération (i.e. le montant qui faisait l’objet de la restriction) a été abaissé à 75%. Une diminution de 25% du taux de récupération a eu lieu les 1ers juillets des années successives. Depuis le 1er juillet 2018, cette restriction a été éliminée complètement. Ainsi, depuis cette date une entreprise se qualifiant de « grande entreprise » peut réclamer la totalité des CTI sur le plein montant de la TVH en Ontario.

Toutefois, comme c’est le cas pour les restrictions aux RTI en TVQ, il y a lieu de noter que la restriction générale de 50% applicable aux frais de repas et divertissements continuera de s’appliquer et ce, autant pour les contribuables qui se qualifient de grande entreprise que pour ceux qui ne se qualifient pas à ce titre.

Électricité rechargée par un propriétaire à son locataire

Nous profitons de cette opportunité pour vous rappeler quelques particularités de l’application de la TPS/TVQ lors de recharge de frais d’électricité par un propriétaire à ses locataires.

Locateur qui refacture l’électricité à ses locataires

Dans les cas où le locateur refacture aux locataires certains frais relatifs à un bail commercial comme les charges encourues pour l’électricité, cette refacturation ne doit pas être traitée comme une prolongation du service ou du bien initial qu’a reçu le locateur.  Les autorités fiscales considèreront que ces frais ainsi facturés constituent plutôt une contrepartie additionnelle pour le loyer. Cette contrepartie additionnelle est taxable au même titre que le loyer de base.

C’est donc le locateur qui doit déterminer s’il se qualifie de « grande entreprise » aux fins de la TVQ et, le cas échéant, se restreindre sur les montants de RTI qu’il réclame et ce, indépendamment du statut du locataire.  En ce qui a trait au locataire, il traitera cette charge additionnelle de la même façon que le loyer de base et pourra récupérer la totalité de la TVQ payée relativement à cette charge si les autres conditions à l’obtention d’un RTI sont respectées (ex. dépense encourue dans le cadre de ses activités commerciales et documentation adéquate).  Le même principe s’applique dans le cas où les services d’électricité sont inclus dans le loyer.

Électricité utilisée pour la production de biens mobiliers destinés à la vente

Il existe une exception à la restriction aux RTI touchant l’acquisition d’électricité utilisée lors de la production de biens mobiliers destinés à la vente. Cette exemption est calculée en fonction du pro rata d’énergie dépensée pour la production des biens destinés à la vente versus les autres activités de l’entreprise qui n’entrent pas dans les conditions de l’exemption. La portion de l’électricité n’étant pas utilisée à des fins de production demeurera assujettie à la restriction aux RTI décrite ci-dessus. La personne désirant se prévaloir de cette exception devra être en mesure de supporter le pourcentage d’activités de production utilisé afin de réclamer ses RTI.  Un tel exercice peut se faire, par exemple, avec un rapport d’experts attestant de la consommation d’électricité des différents équipements de production utilisés.

Dans un contexte de location d’immeuble commercial ou industriel, il y a lieu de souligner que lorsqu’un locataire utilise une partie de l’électricité qui lui est rechargée par le locateur afin de produire des biens meubles destinés à la vente, c’est le locateur qui peut bénéficier de cette exemption et qui, par conséquent, aurait droit de réclamer un RTI sur la portion de l’électricité utilisée à ces fins.

L’élimination graduelle des restrictions des RTI et de la récupération de la composante provinciale de la TVH a un impact dans le domaine de l’immobilier relativement aux dépenses reliées à l’électricité utilisée dans les activités commerciales autant pour les locataires que pour le locateur.

Rappel : baux triple net et autres baux similaires

Dans un contexte de bail triple net, les locataires paient l’ensemble des dépenses reliées à l’immeuble concerné.

Dans de tels cas, lorsque le locateur reçoit la facture de taxes municipales de la Ville/Municipalité relatives à l’immeuble et que le locateur refacture ces charges au locataire, il doit également charger la TPS/TVQ sur ce montant puisqu’il s’agit d’une contrepartie additionnelle du loyer.

Il arrive, toutefois que les locateurs fassent suivre au locataire certaines factures leur étant adressées au locateur puisque, en vertu du bail, le locataire est tenu de payer ces frais (un exemple fréquent de cette situation est la facture de taxes municipales ou scolaires qui est adressée au propriétaire de l’immeuble mais qui souvent payable par le locataire dans le cadre d’un bail triple net).  Le locateur demande alors au locataire d’effectuer le paiement en son nom.  Il y a lieu de noter que, dans de telles circonstances, le montant des taxes municipales ou scolaires constitue également une contrepartie additionnelle au loyer sur laquelle la TPS/TVQ s’appliquent.  C’est donc dire que le propriétaire de l’immeuble devra tout de même facturer la TPS/TVQ sur ce montant et ce même si aucune facture n’a été initialement émise au locataire.  Il s’agit d’une situation fréquemment vérifiée par les administrations fiscales lors de vérifications.